L'allergie au sperme : une affection qui perturbe la sexualité du couple
Souvent qualifiée de rarissime, l'allergie au sperme ne doit pas pour autant être prise à la légère. Cette affection qui touche hommes et femmes peut parfois, comme toute allergie, avoir des conséquences dramatiques sur la santé de la personne allergique. Elle représente également une étape à surmonter dans la vie d'un couple d'autant plus lorsqu'un désir d'enfant se fait sentir. Nous faisons le point sur cette allergie sexuelle.
Sommaire
Qu'est-ce que l'allergie au sperme ?
Aussi connue sous le nom d'hypersensibilité au plasma du liquide séminal humain (Humain seminal plasma hypersensitivity, HSPH), l'allergie au sperme a été pour la première fois décrite dans la littérature scientifique en 1958 par un gynécologue allemand J.L.H. Specken.
L'allergène provoquant cette hypersensibilité n'est, à ce jour, pas connu mais les différentes études menées sur le sujet indiquent que les protéines contenues dans le liquide séminal pourraient bien être les responsables et plus spécifiquement les glycoprotéines prostatique, contrairement aux spermatozoïdes qui ont été mis hors de cause.
Petit rappel sur la composition du sperme
Le sperme expulsé lors de l'éjaculation est composé de sécrétions provenant des organes génitaux masculins. Plus précisément, il est constitué jusqu'à 70% de liquide séminal produit par les vésicules séminales, jusqu'à 30% de liquide prostatique et de liquide sécrété par les glandes de Cowper. Les spermatozoïdes contenus dans le sperme représenteraient environ 1% du volume total de l’éjaculât.
Qui est le plus touché ? Fréquence de cette allergie
L'allergie au sperme est une affection relativement rare cependant il a été suggéré que l'incidence de cette allergie serait probablement supérieure à celle rapportée notamment du fait d'un manque de reconnaissance dans le milieu médical mais également du fait que les patients hésitent souvent à aborder le sujet avec leur médecin traitant.
Selon un article du Dailymail paru en juin 2013 jusqu'à 12% des femmes pourraient être allergiques au sperme.
L'âge d'apparition de cette affection se situerait entre 20 et 30 ans et passé les 40 ans, les femmes seraient moins susceptibles de développer cette allergie.
Bien qu'elle touche principalement les femmes, la gente masculine n'en serait pas pour autant épargnée puisqu'il semblerait que certains hommes pourraient également développer une réaction allergique après un rapport oral ou anal avec un autre homme ou avec leur propre sperme. Cette réaction allergique apparaîtrait lorsque le sperme de l'homme entrerait en contact avec son propre sang. Il a été démontré que ce phénomène, bien que très rare, pouvait survenir après une vasectomie, une torsion testiculaire ou après une infection ou un traumatisme.
Comment reconnaître cette allergie ?
Cette réaction allergique au liquide séminal se manifeste le plus souvent pour la première fois en début de vie sexuelle, cependant il peut arriver que des symptômes apparaissent après plusieurs années d'une sexualité de couple parfaitement épanouie. De plus, la rareté de cette affection rend parfois son diagnostic assez difficile à établir.
Les symptômes
Ils surviennent généralement dans l'heure qui suit l'éjaculation mais pas toujours. Si chez certains la réaction est quasi instantanée, chez d'autres elle se déclenchera quelques heures après la fin du rapport sexuel. Ces symptômes peuvent persister entre quelques heures jusqu'à plusieurs jours en fonction de la personne affectée.
Dans sa forme la moins sévère, l'allergie se manifeste le plus couramment sous forme de rougeurs, gonflements, irritations et sensations de brûlure et sera principalement localisée au niveau génital mais de manière générale une réaction pourra apparaître sur toutes les zones qui auront été en contact avec le sperme telles que la peau ou la bouche par exemple.
Dans sa forme la plus grave, l'allergie au sperme peut engendrer des réactions systémiques pouvant aller d'une irritation généralisée au choc anaphylactique avec perte de conscience.
Du fait de ces réactions allergiques pouvant avoir un impact vital, il est important en cas de doute de consulter rapidement son gynécologue ou un allergologue afin d'établir un diagnostic.
Son diagnostic
Parce que les manifestations cliniques de ce type d'allergie sont très proches de celles d'infections sexuelles classiques telles que mycoses ou herpès, son diagnostic médical n'est pas toujours évident.
Cependant, il existe un moyen relativement simple à mettre en application afin de confirmer (ou non) cette allergie. Il s'agit d'avoir recours au préservatif afin d'éviter tout contact avec le sperme du partenaire. La réaction allergique survenant uniquement lors des rapports non protégés, si après éjaculation, aucun symptôme n’apparaît alors il y a de fortes chances pour que le sperme émis lors de l'éjaculation soit responsable des réactions allergiques observées chez la partenaire féminine.
Des tests cutanés tels que le prick test ou le test intradermique réalisés au cours d'un bilan allergologique permettent de confirmer l'hypothèse de l'allergie. Ces tests consistent à mettre en contact une quantité diluée du sperme du partenaire avec la peau de la partenaire féminine. Dans le cas du prick test, l’allergène est déposé sur la peau puis piqué et dans le cas du test intradermique, celui-ci est injecté directement sous la peau. Dans certains cas, il est également possible d'avoir recours à une prise de sang afin de réaliser un dosage des anti-corps.
«La technique du prick a été décrite la première fois en 1924 par Lewis et Grant, puis développée après sa modification par Pepys dans les années 1970. Il existe différentes techniques de prick-tests. Dans le prick-test modifié, les gouttes d’allergènes ou de solutions contrôles sont disposées sur la peau, puis une aiguille hypodermique est passée à travers la goutte jusque dans l’épiderme avec un angle faible, le biseau en haut. L’aiguille est alors légèrement soulevée afin de créer une altération cutanée minime en surface…»
Diagnostic de l’allergie aux médicaments, John Libbey Eurotext, Paris, 2005, pp. 41-52.
Peut-on guérir de cette allergie ?
Comme pour de nombreuses allergies, on n'en guérit pas et le meilleur traitement repose sur une éviction de l'allergène. Il faut donc, dans ce cas précis, éviter tout contact avec le sperme du partenaire soit en ayant recours à l'abstinence, soit à l'utilisation du préservatif.
Il existe tout de même des traitements qui peuvent varier en fonction de la sévérité des réactions allergiques afin d'améliorer la qualité de vie sexuelle du couple. Il est, en effet, possible dans certains cas, de prendre des anti-histaminiques juste avant un rapport sexuel non protégé afin d'éviter ou de minimiser les symptômes. Dans les cas les plus sévères une désensibilisation pourra éventuellement être envisagée.
La désensibilisation consiste en l'injection à intervalle réguliers d'une quantité diluée de sperme graduellement croissante dans le vagin de la partenaire jusqu'à ce que le système immunitaire de la femme, tolère le sperme pur. Cette méthode est efficace mais relativement contraignante car elle suppose que les partenaires aient des rapports sexuels tous les 2 ou 3 jours environ afin de maintenir le niveau de tolérance.
Conséquences sur la vie du couple
Cette allergie peut avoir un impact important sur la vie du couple aussi bien sur le plan affectif que sexuel puisqu'elle complique la survenue d'un enfant dans la mesure où une relation sexuelle sans préservatif engendre une réaction allergique.
Une grossesse est donc certes plus compliquée mais elle n'est pas pour autant impossible ! En effet, il existe des méthodes telles que l'insémination artificielle après lavage du sperme ou une désensibilisation intra-vaginale qui permettent aux femmes d'aujourd'hui souffrant de ce type d'allergie de pouvoir concevoir un enfant.
En 2008, un groupe de chercheurs a rapporté le cas d'une femme souffrant d'allergie au liquide séminal qui est devenue enceinte après une insémination artificielle utilisant du sperme préalablement « lavé » de son époux.
Entre désensibilisation intra vaginale et insémination artificielle, il semblerait selon une récente étude qu'il soit préférable d'opter pour la désensibilisation qui représente une méthode plus sure que l'insémination artificielle notamment lorsque les réactions allergiques de la patiente sont sévères comme le choc anaphylactique.
Le signe d'une incompatibilité entre partenaires ?
Une étude a récemment été publiée par Gallup et Reynolds, deux chercheurs américains, dans laquelle ils émettent l'hypothèse que l'allergie au sperme serait un phénomène qui permettrait d’empêcher la femme de concevoir un enfant avec un partenaire dont le patrimoine génétique ne serait pas un bon parti pour elle.
Plusieurs études vont dans le sens de ces deux chercheurs notamment lorsqu'ils s'appuient sur le fait qu'une femme allergique au liquide séminal de son partenaire ne le serait pas obligatoirement avec le sperme d'un autre homme. Ils s'appuient également sur le cas d'une femme de 32 ans qui aurait eu trois enfants d'un premier mariage et qui aurait développer une allergie au sperme de son second mari ne lui permettant pas de concevoir un quatrième enfant.
Toujours en s'appuyant sur la littérature scientifique, les deux chercheurs précisent que des femmes souffrant de cette allergie sont parvenues à mettre au monde des enfants mais qu'aucune étude sur le long terme n'a été réalisée sur ces enfants. Ils concluent, tout en restant fidèle à leur hypothèse génétique, en disant que si de telles études existaient elles montreraient probablement des problèmes et des déficiences chez ces enfants et que si tel était le cas alors l'allergie au sperme pourrait constituer un moyen d’établir une sélection au niveau des donneurs de sperme potentiels pour les femmes subissant une insémination artificielle.
En résumé :
- L'allergie au sperme est en réalité une intolérance à une protéine présente dans le liquide séminal.
- L'allergène responsable de cette réaction n'est pas précisément connu.
- Elle apparaît pour la première fois, généralement, en début de vie sexuelle mais pas toujours.
- Les hommes ne sont pas épargnés par cette allergie.
- Les premiers symptômes surviennent le plus souvent au plus tard une heure après l'éjaculation.
- Irritations, gonflements, sensations de brûlures sont les signes cliniques les plus fréquents qui caractérisent cette affection.
- Dans sa forme la plus sévère, elle peut engendrer un choc anaphylactique avec perte de conscience.
- L'utilisation du préservatif lors des rapports sexuels permet avec des tests cutanés de poser un diagnostic.
- Son traitement repose sur une éviction de l'allergène en évitant tout contact avec le sperme.
- L'usage du préservatif permet au couple de retrouver une sexualité épanouie.
- Lorsqu'un désir de grossesse existe au sein du couple, une désensibilisation intra-vaginale ou le recours à des techniques d’assistance médicale à la procréation (PMA) sont possibles et donnent de bons résultats.
Sources
- Specken JLH, Een Markwaarding geval van allergie in de gynaecologie, Ned Tjidschr Verloskd Gynaecol 1958, 58, 314.
- M. Carroll et al., Testing for hypersensitivity to seminal fluid-free spermatozoa, Human Fertility, 2013 Jun, 16(2), 128-31.
- http://www.dailymail.co.uk/health/article-2339588/Up-12-women-allergic-semen-claims-leading-expert--wrongly-blaming-symptoms-STDs.html
- Shah A, Panjabi C., Human seminal plasma allergy: a review of a rare phenomenon, Clin Exp Allergy, 2004, 34, 827-38.
- Waldinger MD, Meinardi MMHM, Zwinderman AH, and Schweitzer DH., Postorgasmic illness syndrome (POIS) in 45 Dutch Caucasian males: Clinical characteristics and evidence for an immunogenic pathogenesis (Part 1), J Sex Med, 2011, 8, 1164–1170.
- http://www.slate.fr/lien/32999/hommes-allergie-sperme
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- Sohn S.W. et coll., Successful Intravaginal Desensitization in a Woman With Seminal Plasma Anaphylaxis After Artificial Insemination Failure, J Investig Allergol Clin Immunol, 2014, 24, 276-277.
- S. Jacob, J. Levêque, J. Dugast, P. Minoui, M. Delaval, J.-Y. Grall, Fait clinique Allergie gynécologique au liquide spermatique, Gynecol Obstet Biol Reprod, 1997, 26, 825-827.
- Gordon G. Gallup, Collin J. Reynolds, Evolutionary Medicine: Semen Sampling and Seminal Plasma Hypersensitivity, Evolutionary Psychology, 2014, Volume 12(2).
Auteur de l'article
Publié le 13 octobre 2014 et mis à jour le 19 juillet 2017
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